Ne me quitte pas

Ne me quitte pas,
il faut oublier
Tout peut s’oublier
qui s’enfuit déjà
Oublier le temps
des malentendus
Et le temps perdu
à savoir comment
Oublier ces heures qui tuaient parfois
A coups de pourquoi
le coeur du bonheur
Ne me quitte pas,
ne me quitte pas,
ne me quitte pas

Moi, je t’offrirai
des perles de pluie
Venues de pays
où il ne pleut pas
Je creuserai la terre,
jusqu’ après ma mort
Pour couvrir ton corps
d’or et de lumière
Je ferai un domaine
où l’amour sera roi
Où l’amour sera loi,
où tu seras reine
Ne me quitte pas,
ne me quitte pas,
ne me quitte pas

Ne me quitte pas,
je t’inventerai
Des mots insensés
que tu comprendras
Je te parlerai de ces amants là
Qui ont vu deux fois
leurs coeurs s’embraser
Je te raconterai l’histoire de ce roi
Mort de n’avoir pas
pu te rencontrer
Ne me quitte pas,
ne me quitte pas,
ne me quitte pas

On a vu souvent rejaillir le feu
De l’ancien volcan
qu’on croyait trop vieux
Il est parait-il
des terres brûlées
Donnant plus de blé
qu’un meilleur avril
Et quand vient le soir
pour qu’un ciel flamboie
Le rouge et le noir
ne s’épousent-ils pas?
Ne me quitte pas,
ne me quitte pas,
ne me quitte pas

Ne me quitte pas
je ne vais plus pleurer
Je ne vais plus parler,
je me cacherai là
A te regarder danser et sourire
Et à t’écouter
chanter et puis rire
Laisse-moi
devenir l’ombre de ton ombre
L’ombre de ta main,
l’ombre de ton chien
Ne me quitte pas,
ne me quitte pas,
ne me quitte pas.



Jacques Brell
Antologia Poética
Assírio & Alvim, 1987

1 comentário:

João disse...

On laisse moins faire le hasard
On se méfie du fil de l'eau
Mais c'est toujours la tendre guerre